Une étudiante dys qui le cache
Je ne suis pas PMR, mais je me rappelle très bien mes années de collège et de lycée où l’ascenseur des trois établissements que j’ai fréquentés était en panne les trois quarts du temps. Je ne parle même pas des bâtiments non adaptés, où il n’existe aucun accès prévu. Sans parler des encadrements de porte si étroits que certaines chaises passaient tout juste… Je pense notamment aux internats où j’ai séjourné : pas un seul n’avait d’accès PMR. Ironique, quand on voit que les douches PMR, elles, étaient bien en place.
Actuellement, dans l’enseignement supérieur, dans une école privée, mon établissement est contraint par la loi de 2005 à mettre en place des aménagements pour les PMR. Le seul aménagement réalisé ? Des toilettes… avec des marches devant.
Les orthophonistes sont trop peu nombreux, ce qui leur permet de se comporter de manière parfois inadaptée, faute d’alternative pour les patients. Et quand on essaie d’en parler à un psychologue, en évoquant le manque de reconnaissance et les difficultés que cela entraîne au quotidien, on se fait prendre de haut.
Je pense à un ami qui était terrifié rien qu’à l’idée de devoir écrire un chèque un jour. Pour lui, écrire « dix » sonnait plus comme « disse ». Quand il a exprimé ses craintes, on lui a ri au nez.
J’ai moi aussi vécu cette expérience.
À la fac, j’ai abandonné mon accès à un temps supplémentaire pour pouvoir corriger mes fautes. Eh oui, même si j’ai un bon vocabulaire et un bon style d’écriture, je suis dyshortographique.
À mon entrée, j’avais pourtant fourni mon dossier avec le suivi effectué au collège et au lycée. Mais à la fin de mon second semestre, la scolarité m’a contactée pour me dire que, oups, ils n’avaient pas pensé à me faire rencontrer l’infirmière de l’école. Parce qu’il faut dire que « ça ne se voit pas que vous êtes dys ». Malgré mes nombreuses relances, j’ai donc dû passer une année entière sans suivi.
Actuellement en fin de BTS, j’ai eu l’immense plaisir de découvrir que mon directeur d’école affirmait que je n’étais pas dys, mais simplement en difficulté, parce que selon lui, « je n’ai pas de plomb dans la tête ». Peut-être se prend-il pour un orthophoniste ?
Ah, les orthophonistes… Quel plaisir d’attendre huit mois pour obtenir un simple rendez-vous avec un professionnel de santé, qui, en plus, a le droit d’annuler parce qu’il estime avoir « assez de clients ».
Je passerai donc mes examens de fin de BTS sans le temps qui m’est normalement accordé pour utiliser un correcteur orthographique ainsi qu’une grammaire adaptée.
J’ai caché à mon ancienne entreprise d’alternance mes difficultés en orthographe ainsi que l’effort de concentration que cela me demandait pour écrire. J’ai donc utilisé des outils basés sur l’IA afin d’être sûr de mon orthographe et d’éviter d’envoyer des erreurs futiles aux clients.
Aujourd’hui encore, personne n’est au courant. C’est quelque chose que je préfère dissimuler, car beaucoup d’entreprises se disent capables d’accueillir des personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de clients ou d’employés, alors que la réalité est tout autre.
J’ai été proche aidante pour mon ancien petit ami. La difficulté la plus fréquente concernait l’accessibilité des lieux publics et privés.
On voyait la vie comme une aventure à vivre, un monde ouvert à explorer. Pourtant, dès que l’on passait la porte, la réalité nous rattrapait : des trottoirs parfois trop hauts entre deux passages piétons, des restaurants, des musées, des parcs annoncés comme accessibles PMR… mais qui, en réalité, ne l’étaient pas du tout.
Je pense avoir tout dit : le manque de représentation, le manque d’écoute, l’absurdité des services publics et privés prétendument accessibles aux PMR, l’irrespect du corps médical, des professionnels et des professeurs.