ⓘ Plateforme de témoignage de la mission d’évaluation de l’Assemblée nationale sur la loi du 11 février 2005.

ⓘ Plateforme de témoignage de la mission d’évaluation de l’Assemblée sur la loi de 2005.

il y a 3 semaines

Témoignage de

Rémi

Handicap psychique

Je suis entrepreneur, formateur et bientôt chercheur, avec un parcours profondément ancré dans la recherche de sens, d’impact et d’inclusion. En situation de handicap, j’ai appris à naviguer dans un monde qui n’a pas toujours été pensé pour moi. Plutôt que de me limiter, cette réalité est devenue une source de lucidité et d’exigence : pour créer des outils plus accessibles, des méthodes plus humaines, et des solutions qui prennent vraiment en compte les besoins de chacun.

Accessibilité

Pour moi, l’accessibilité ne devrait jamais être pensée comme un ajout, une case à cocher ou une exigence administrative. Elle est un outil de clarté, de simplification et de qualité pour tous. En tant que personne en situation de handicap, je sais à quel point un site mal conçu, une démarche inaccessible ou un outil numérique non adapté peuvent exclure – parfois sans que ce soit intentionnel. Mais mon expérience m’a aussi appris que ce qui est accessible devient souvent plus ergonomique, plus intuitif, plus inclusif pour tout le monde. C’est cette vision que je porte à travers mon travail : l’accessibilité comme moteur de transformation positive, dans le numérique comme dans les services.

Accès aux droits

L’accès aux droits est censé être un socle commun. Mais dans la réalité, c’est souvent un labyrinthe administratif, chronophage et injustement complexe. Il ne suffit pas que des droits existent sur le papier, encore faut-il être informé, accompagné, reconnu. Trop de personnes passent à côté d’aides, de dispositifs, de protections légitimes simplement parce qu’elles n’ont pas les codes ou qu’elles sont découragées. À mes yeux, garantir l’accès aux droits, c’est créer de la justice concrète. C’est aussi une question de dignité et d’équité : un droit inaccessible est une violence invisible. Mon engagement associatif et professionnel vise à rendre ces droits réels, en travaillant sur la clarté, l’automatisation intelligente, et le soutien aux personnes concernées.

MDPH

La MDPH est un passage obligé pour beaucoup, moi y compris. Elle est censée ouvrir des portes, mais elle ressemble parfois à un sas kafkaïen : longs délais, manque de transparence, injonction à prouver sans cesse ce que l’on vit au quotidien. Je ne remets pas en cause l’utilité de la MDPH en tant que structure : elle peut être un tremplin, un soutien, une reconnaissance. Mais le système actuel fatigue, infantilise parfois, et fragilise au lieu de protéger. Je rêve d’une MDPH plus humaine, fluide, proactive, où les démarches seraient simplifiées, les délais raisonnables, et où les personnes seraient vraiment écoutées. Là encore, ce n’est pas une question de moyens seulement, mais de volonté politique et de co-construction avec les premiers concernés.

Instituts et services médico-sociaux

Mon expérience avec les institutions médico-sociales est faite de contrastes. D’un côté, il y a des personnes de terrain dévouées, des structures qui essaient de bien faire, et des accompagnements qui peuvent vraiment changer des trajectoires. Mais de l’autre, j’ai aussi vécu – et vu – des logiques de contrôle, de suspicion, d’infantilisation, où l’on parle sur les personnes plutôt qu’avec elles. Trop souvent, les dispositifs sont conçus sans la participation réelle des personnes concernées, ce qui génère des réponses standardisées, parfois hors sol. Je pense qu’on peut (et doit) faire mieux : sortir d’une approche uniquement médico-administrative pour aller vers une vision fondée sur l’autonomie, la confiance et l’écoute active. C’est aussi pour ça que je m’implique dans le monde associatif : pour contribuer à faire entendre une parole vécue, politique, lucide.

École

L’école a été pour moi un lieu d’ambivalence. J’ai toujours aimé apprendre, réfléchir, créer – mais j’ai aussi très tôt compris que le système scolaire, dans sa forme actuelle, n’est pas fait pour tous les corps, toutes les façons de penser, tous les rythmes. Quand on est en situation de handicap, on doit souvent se battre pour des aménagements basiques, justifier encore et encore ce qu’on vit, et on finit par se sentir de trop. Il y a un vrai travail à faire pour que l’école ne soit pas seulement un lieu de performance, mais un espace réellement inclusif, bienveillant, et adapté à la pluralité des élèves. Aujourd’hui, c’est aussi ce qui nourrit mon envie de transmettre autrement, à travers des formats accessibles, hybrides, et pensés à partir des besoins réels des apprenants.

Emploi

Dans le monde du travail, j’ai rapidement compris que les normes dominantes laissent peu de place à l’adaptation et à la singularité. Quand on vit avec un handicap, le télétravail, la flexibilité, ou les outils adaptés ne sont pas des “avantages” : ce sont des conditions de survie professionnelle. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi l’entrepreneuriat : pour créer un espace où je peux travailler selon mon rythme, mes forces, mes besoins, sans devoir constamment me justifier. Mais tout le monde ne peut ou ne veut pas devenir entrepreneur. Il est donc urgent que le monde de l’emploi évolue, pas seulement avec des lois, mais avec des pratiques inclusives au quotidien : écoute, accompagnement, valorisation des compétences réelles. C’est aussi dans cette logique que je développe des projets de formation et d’accompagnement, pour aider d’autres à se créer une place professionnelle qui leur ressemble.

Proches aidants

Les proches aidants jouent un rôle essentiel, mais trop souvent silencieux, épuisant et non reconnu. Qu’il s’agisse de parents, de partenaires, d’ami·es ou de fratries, leur présence est parfois ce qui permet simplement de tenir debout dans un système qui fatigue, qui retarde, ou qui néglige. J’ai vu, vécu, et ressenti ce que cela coûte d’être dépendant du soutien d’un proche pour avancer dans ses démarches, dans sa santé, dans sa vie. Mais j’ai aussi vu à quel point ce rôle d’aidant est mal accompagné, rarement écouté, et quasiment jamais valorisé à sa juste mesure. Nous avons besoin de dispositifs concrets pour les soutenir, les former, leur offrir du répit, et surtout, les reconnaître comme des acteurs à part entière du parcours de vie des personnes accompagnées.

Autres remarques

Ce que je retiens de mon expérience, c’est que les systèmes actuels – scolaires, sociaux, professionnels – sont encore largement construits SANS les personnes concernées. On parle d’inclusion, mais sans toujours écouter celles et ceux qui vivent l’exclusion au quotidien. L’inclusion, ce n’est pas un “plus” à ajouter. C’est un changement de culture, de regard, de posture. C’est accepter de se remettre en question collectivement, de tester, d’échouer, et d’apprendre à partir des vécus. Je crois profondément que c’est en croisant les savoirs – ceux des institutions, ceux des professionnels, et ceux de l’expérience vécue – qu’on peut créer des solutions durables, humaines et efficaces. C’est cette vision qui guide mon engagement, dans l’entrepreneuriat, la formation, la recherche, et l’action associative.
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